Alors voici ce qui est arrivé à une patiente, venue à l’hôpital pour une consultation de gastro-entérologie :
« Quand elle s’est présentée à la consultation, on l’a fait attendre dans le box à deux portes, en lui demandant de se déshabiller entièrement et d’enfiler une simple chemise, fendue à l’arrière.
On l’a fait entrer dans une salle où se trouvait, sans qu’on l’ait prévenue, un groupe d’internes postés autour de leur patron. L’un d’eux l’a guidée jusqu’à une table d’examen installée au milieu de la pièce. Là il l’a fait monter sur la table et lui a demandé de s’agenouiller et de se prosterner, le visage contre le cuir.
Pendant qu’elle se cachait le visage, honteuse, elle a entendu quelqu’un enfiler un doigtier en caoutchouc et l’a senti, sous le regard de tous, lui glisser sans ménagement l’index, puis un objet rigide, dans l’anus.
Cinq minutes plus tard, elle ressortait en larmes. L’examinateur n’avait pas prononcé un mot. Avant qu’elle ait fini de se rhabiller, elle a entendu la porte du box s’ouvrir et un jeune homme lui déclarer : « On va écrire à votre médecin traitant. Au revoir, madame ».
C’est un médecin retraité, Martin Winckler, qui a raconté cette histoire sidérante dans un livre au titre provocateur, Les Brutes en Blanc.
Il faut savoir que ces pratiques d’un autre âge sont plus fréquentes qu’on ne l’imagine.
En février 2015, la presse révélait que les étudiants en médecine s’exerçaient au toucher vaginal ou rectal… sur des patientes endormies au bloc opératoire [1] – sans leur demander leur avis !
La Ministre de la Santé, pour une fois réactive, avait alors immédiatement demandé un rapport officiel [2]… qui a confirmé en octobre 2015 que ce n’était pas un cas exceptionnel. Ce serait même une pratique répandue à l’hôpital !
Mais ce qui se passe parfois en cancérologie est à mon avis encore plus grave.
La boule au ventre chez son cancérologue
J’ai encore en mémoire l’émotion de mon ami le Dr V., lorsque nous avons parlé tout récemment de ses patients frappés par le cancer.
Le Dr V. n’est pas cancérologue : ce n’est pas lui qui prescrit la chimiothérapie. Mais il propose à ses patients des traitements d’accompagnement pour traverser l’épreuve dans de meilleures conditions.
Il leur prescrit notamment des plantes et compléments alimentaires validés scientifiquement et qui peuvent faire une belle différence en cas de cancer. [3]
Le drame se produit lorsque ces patients doivent « avouer » à leur cancérologue qu’ils prennent ces traitements naturels.
« Dans la plupart des cas, leur cancérologue leur tombe dessus, les engueule violemment. Dans le meilleur des cas, il dit au patient qu’il peut faire « ce qu’il veut », affichant un souverain mépris pour ces traitements complémentaires.
Tu te rends compte, Xavier, me dit le Dr V., suffoqué par l’indignation, ces patients arrivent la boule au ventre chez leur cancérologue. Ils ont le cancer et ils subissent en plus la maltraitance de celui qui est censé les aider à guérir ! »
Et ce n’est pas seulement un problème de réticence vis à vis des médecines naturelles.
Malheur à vous si vous n’acceptez pas immédiatement le traitement que votre cancérologue vous propose !
« Puisque vous ne voulez pas de mon traitement, pas la peine de revenir me voir »
Sur son blog De la médecine générale [4], un médecin généraliste relate son entretien avec la femme d’un de ses patients :
« On a dit à mon mari, j’étais là, qu’il allait mourir à 99 %.
– Ils vous ont dit ça ?
– Je vous jure, docteur, mon fils était là… »
Donc, je résume (écrit le médecin blogueur) : on a dit au patient et à sa famille qu’il allait mourir à 99 % et on lui a posé une chambre implantable (un cathéter avec boîtier pour administrer la chimiothérapie). Sans lui demander son avis. On lui a d’abord posé une chambre sous la peau avant de savoir s’il allait faire la chimiothérapie.
La femme du patient ajoute : « Le docteur a dit qu’avec le nouveau traitement mon mari pouvait vivre entre trois et neuf mois de plus et que s’il le refusait il pouvait mourir dans une semaine ou dans un mois. »
Et le coup de grâce : « Le docteur a dit que puisqu’il refusait le traitement il n’avait pas besoin de le revoir. »
Commentaire du médecin blogueur : « Je suis effondré. Comment peut-on prononcer une phrase pareille ? Comment peut-on se comporter aussi mal à partir du moment où le patient (qui va mourir) décide de ne pas se traiter ? »
Est-ce un cas exceptionnel ? Probablement pas, hélas.
« Vous avez une tumeur inopérable. Au revoir »
Il est vrai qu’annoncer à quelqu’un une maladie grave est horriblement difficile.
Mais combien de médecins annoncent encore leur diagnostic sans aucune précaution, de manière glaciale et inhumaine ?
Difficile de donner chiffre, mais cela arrive encore trop fréquemment :
« Un étudiant m’a raconté son stage en neurologie en 2011 dans un hôpital parisien, raconte Martin Winckler. Le chef de service annonçait les diagnostics de tumeurs ou de maladies dégénératives à haute voix en entrant dans les chambres, en présence d’étrangers ou de membres de la famille qui ne s’étaient pas présentés.
Et quand on demandait quel était le traitement, il répondait : « Il n’y en a pas. Mais moi j’ai fait mon travail, vous savez ce que vous avez. A présent, je vous demanderai de quitter mon service. D’autres patients attendent. »
C’est peut-être cette obsession française pour le « diagnostic », plutôt que le soin, qui explique un autre genre de maltraitance :
Malheur à vous si vos symptômes ne « correspondent pas »
Combien de médecins ont prononcé cette terrible à phrase à leur patient qui se plaignait de douleurs ou de symptômes étranges ?
« C’est dans votre tête. »
Vous venez confier votre souffrance à un médecin, vous vous êtes mis à nu psychologiquement…. et il vous traite d’hypocondriaque !
Parfois, il va jusqu’à vous prendre pour un fou ou un simulateur.
Si vos douleurs ou vos symptômes ne correspondent pas à ce qu’il a appris à la Faculté, c’est forcément qu’ils sont imaginaires !
C’est une double violence : il vous laisse entendre que vous vous trompez sur vos propres perceptions (!). Et en plus, il refuse de chercher la moindre solution !
Combien de gynécologues ont balayé d’un revers de main les plaintes de leurs patientes sous pilule : « perte de libido, prise de poids ? C’est dans votre tête ! »
Mais le pire, c’est lorsque vous souffrez de ces maladies très mal comprises : sclérose en plaque, fibromyalgie, syndrome de fatigue chronique… et la maladie de Lyme.
« Les autres médecins se sont moqués de moi »
Là encore, une histoire vraie, racontée par un médecin humain et empathique (il y en a aussi énormément, cela va sans dire !), vaut mieux que mille discours :
« Madame D. – c’est la première fois qu’elle fait appel à moi – me décrit les symptômes qu’elle ressent. Ils ne ressemblent à rien que je ne connaisse ou aie déjà vu, mais je note consciencieusement ce qu’elle me dit et je m’interroge tout haut sur les explorations à faire pour identifier ce qui la fait souffrir.
Je la vois glisser la main dans son sac et en ressortir une feuille pliée en quatre qu’elle me tend en tremblant. C’est un article découpé dans une revue de santé grand public. On y décrit la maladie qu’elle redoute d’avoir.
J’ouvre l’article et je le lis devant elle. Il ne s’agit pas d’une maladie exotique, mais de la maladie de Lyme, une infection dont on parle peu en France à l’époque. J’en ai entendu parler pendant mes études et ce que dit l’article semble tout à fait solide.
Je lui déclare : « Vous avez raison, ça pourrait être ça ; je vais ajouter la sérologie de la maladie de Lyme à la prise de sang ». Elle se met à pleurer. Je lui demande pourquoi.
Elle me répond : « Vous êtes le premier qui me dit ça. Les autres médecins se sont moqués de moi ».
Le premier avait grommelé ‘ne venez pas m’emmerder avec ces conneries’. Le deuxième avait à peine regardé l’article et le lui avait rendu sans un mot. Le troisième avait souri de manière assez méprisante et dit : ‘vous ne devriez pas lire des choses que vous ne comprenez pas’ ». [5]
Comment comprendre que des professionnels dont la mission est de soigner puissent se comporter ainsi ?
Probablement parce que certains « Docteurs » n’ont rien compris à leur mission de « soignant ».
Votre médecin est-il un « docteur » ou un « soignant » ?
Dans un roman publié en 1998, le médecin Martin Winckler (encore lui !) fait cette distinction lumineuse :
« Le Docteur « sait » et son savoir prévaut sur tout le reste.
Le soignant cherche avant tout à apaiser les souffrances.
Le Docteur attend des patients et des symptômes qu’ils se conforment aux grilles d’analyse que la faculté lui a inculquées.
Le soignant fait de son mieux (en questionnant ses maigres certitudes) pour comprendre un tant soit peu ce qui arrive aux gens.
Le Docteur prescrit.
Le soignant panse.
Le Docteur cultive le verbe et le pouvoir. »
Malheureusement, pour beaucoup de médecins, les « soins », c’est bon pour les infirmières, les kinés, les psys.
Les « Docteurs », eux, ce sont des gens qui savent, et qui le montrent.
J’ai expliqué dans une autre lettre pourquoi un médecin « froid et hautain » ne peut pas être un bon médecin, même s’il est bardé de diplômes universitaires.
Mais vous n’avez pas toujours le choix de votre médecin… surtout quand vous vous retrouvez à l’hôpital ou chez un spécialiste.
Alors je vous ai préparé une petite liste de droits fondamentaux que vous devez connaître par cœur.
Attention : cette liste vous sera inutile chez la majorité des médecins, humains et professionnels.
Mais il est toujours possible de « mal tomber ». Et si c’est le cas, mieux vaut s’y être préparé.
Vos 8 droits fondamentaux
Voici donc huit conseils à avoir en tête en cas de consultation avec un médecin que vous ne connaissez pas : [6]
N’acceptez jamais de vous déshabiller avant qu’il ne vous ait écouté(e). Vous avez le droit que l’on vous explique à quoi l’examen va servir et vous pouvez le refuser si vous n’en voyez pas l’utilité. Dans tous les cas, il n’est quasiment jamais utile de se déshabiller totalement (même en cas de consultation gynéco, vous pouvez garder le haut).
N’acceptez aucun geste médical dont on ne vous a pas expliqué la nature et l’objectif, et pour lequel vous n’avez pas donné votre consentement. Lorsqu’on vous fait mal, dites-le.
Demandez toujours une explication détaillée de ce que le médecin a constaté, de ce qu’il pense ou croit avoir diagnostiqué. Et s’il ne sait pas, qu’il vous le dise !
N’hésitez pas à préparer vos questions par écrit si vous consultez pour un problème difficile. Si vous craignez de ne pas tout comprendre, faites-vous accompagner par une personne de confiance (le médecin n’a pas le droit de vous le refuser, vous avez le droit de lever le secret médical pour qui vous souhaitez).
Ne prenez pas de décision sans prendre le temps de réfléchir. En dehors d’une hospitalisation en urgence, rien n’est pressé à la minute, pas même un cancer invasif. Vous avez le droit de prendre quelques jours pour réfléchir au traitement.
N’acceptez jamais les comportements déplacés : reproches (« vous n’avez aucune volonté »), commentaires désobligeants (« oh, comme vous êtes douillette »), ou menace (« vous êtes inconscient de ne pas vouloir vous faire opérer ! Pensez à votre famille ! »). Demandez que cela cesse, et si ce n’est pas le cas, levez-vous et sortez immédiatement, sans régler.
Vous avez le droit d’être écouté(e) sans être interrompu. En revanche, vous avez le droit d’interrompre votre médecin pour lui demander d’où il tient une information que vous pensez erronée.
Ne prenez jamais de médicament sans vous être fait expliquer en détail les avantages et les risques qu’il comporte – et la liste de ses effets indésirables.
Et si votre médecin rechigne, rappelez-lui l’article 35 de son propre Code de déontologie :
« Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. »
Mon ami le Dr de Lorgeril appelle ça la médecine « bienveillante ». [7]